Rien que le titre déjà, L’histoire de Chicago May, fleure bon les grands espaces, les brigandages, le Far West, les coups de feu, les braquages de banques, les amours sulfureuses, bref un parfum d’aventure furieuse, celui de cette May Duignan, irlandaise évadée de ses contrées désertes avec les économies familiales afin de conquérir le monde. On la suivra tour à tour arnaqueuse, prostituée, braqueuse, danseuse de Music Hall dans le spectacle « Belle de New York », amoureuse du gars « qu’il faut pas », bref une vie d’héroïne de roman. Mais là n’est pas la grâce de cette formidable biographie, non. L’époustouflant sentiment du livre vient de la démarche de Nuala O’Faolain qui, alors qu’elle se baladait dans l’ouest de l’Irlande, entendit parler de cette gourgandine, apprit qu’elle avait écrit un livre sobrement intitulé : « Chicago May. Son histoire. Un document humain par la « reine des criminelles ». Mais voilà. Le seul exemplaire est à Manhattan. C’est cette distance qui sera le point de départ du voyage de O’Faolain. Retrouver le livre pour retrouver May. Retrouver l’époque pour comprendre pourquoi une femme corsetée dans une Irlande flippante (souvenez-vous des terrifiantes Magdalena Sisters), s’enfuira, courra vers la liberté et tombera sous les balles de la solitude. Retrouver enfin, dans un magnifique cheminement littéraire, l’histoire de son propre frère Dermot : « Dermot et May ont en commun entre eux et avec des millions de gens d’avoir des vies difficiles, pleine de châtiments, et de morts misérables » (pages 428-429). En suivant May, Nuala O’Faolain a retrouvé son frère et trouvé la paix.
*L’histoire de Chicago May, de Nuala O’Faolain. Au Livre de Poche depuis le 26 février 2020. Prix Femina Étranger 2006. Encore merci à Florence Mas pour cette merveilleuse découverte.