Il est des personnes dont je connais le visage mais pas le nom, ou le nom mais pas le visage. C’est le cas de Maurice Baquet. Enfin, c’était. Parce que Hervé Bodeau a eu la bonne idée de recoller les deux morceaux* et de nous rappeler qui était l’immense petit Baquet haut comme trois pommes. Je ne vous citerai pas ses films, téléfilms, théâtres et opérettes – la liste fait huit pages dans le livre – mais vous dirai juste ma joie à découvrir un artiste pour lequel il semble que l’idée même de la joie ait été inventée. Voici ce jeune garçon né en 1911 dans une famille digne des Vanderhof, musicienne et joyeusement bordélique, qui va devenir un violoncelliste hors-pair, un montagnard émérite (ses descentes d’escaliers à ski furent célèbres), un acteur ébouriffant, un chanteur d’opérette doué, un membre du fameux groupe Octobre (où l’on comptait Jacques Prévert, Raymond Bussières, Yves Allégret, Mouloudji, Roger Blin, Jean-Louis Barrault, etc), un show-man américain à Hélas Angeles (pour reprendre le mot de son ami Doisneau), un père de famille nombreuse et tout aussi joyeuse. Maurice Baquet a traversé le siècle dans la bonne humeur, malgré, dit-il un contretemps (qui) survint : la guerre, et semé tant d’éclats de joie qu’il fut la preuve que la vie est belle, comme dans un Capra, mais en vrai, cette fois.
Il faut d’urgence lire ce livre. D’urgence rencontrer Maurice Baquet, faire le plein de joie à son contact et redécouvrir la puissance de l’amitié ; pensez qu’il fut celui de Doisneau, Prévert, Picasso, Renoir, Frison-Roche, tant d’autres qui nous font encore rêver aujourd’hui. Quel bonheur !
PS. (Décidément, je suis bavard aujourd’hui). Parmi tous les enfants de Maurice, il en est un que je connais et admire, c’est Grégori. Acteur d’une puissance inouïe, toujours touché par la grâce, il a, entre autres spectacles, émerveillé sur scène le texte de Wajdi Mouawad, Un obus dans le cœur, de Kessel, Les Cavaliers, et bientôt, et j’en suis ému, au-delà des mots, On ne voyait que le bonheur, en Avignon, dès le 6 juillet, au Théâtre Actuel.
*Maurice Baquet, Portrait avec Violoncelle, de Hervé Bodeau. Guérin, éditions Paulsen. En libraire depuis novembre 2016. Bravo à l’éditeur d’avoir joint au livre de Bodeau un livre de photos qui retracent une partie de la route de Baquet. Celles de Doisneau sont d’une émouvante poésie surréaliste .