La disparition d’un enfant est le cauchemar de chaque parent. Mais quand c’est l’un des deux (ici le père) qui enlève sa fille, l’emmène à Raqua, au cœur de Daech, et fait d’une petite Lila de trois ans une Fatima couverte des pieds à la tête qui très vite ne parle plus que l’arabe et joue avec des papillons dans les ruines sur fond de bruits de guerre, ça n’a pas de nom. Peut-être la douleur d’une gelure qui précède à l’amputation.
Cette histoire vraie*, c’est celle de Magali Laurent dont la fille Lila a été enlevée par son père, Anis, en octobre 2015 et ne sont jamais revenus du djihad.
Reviens, Lila est d’abord un livre écrit à sa fille, « Et puis qui sait, si par bonheur la mort l’avait épargnée, elle tombait dessus ? » (page 206). Une longue lettre qui raconte leurs trois années ensemble avant la disparition. Une mémoire qui ne s’estompera plus. C’est aussi le récit précis des jours qui ont suivi. La sidération. L’effondrement. Magali Laurent se souvient. La barbe qu’il laissait pousser. La djellaba. La calotte. La mosquée. Sa honte de voir son mari se radicaliser. Son silence, du coup. Son aveuglement. Elle raconte, comme on enquête, la mise en place du piège. Le départ soi-disant pour des vacances chez la grand-mère en Tunisie. Et puis l’appel de Turquie, à la frontière syrienne. C’est enfin un troisième livre qui crayonne le portrait d’une mère désespérée qui s’accroche, renaîtra un jour en femme amoureuse, en maman surtout, ce que Anis avait aussi fait disparaître en faisant disparaître leur fille. Quels livres !
*Reviens, Lila, de Magali Laurent, avec Françoise-Marie Santucci. Chez Grasset. En librairie depuis le 3 février 2021.