Trente ans après, une femme refait le chemin qui la conduisit de chez elle au cimetière où elle enterra son ami, son véritable ami, celui qui aurait pu faire un jour écrire à Giono : « Je t’aime d’amitié ».
Il aura fallu trente ans à Anne Goscinny pour qu’elle parvienne à écrire, et quelle écriture, son hommage à l’ami, son chant d’adieu, son chapelet de murmures, ses incantations d’amour.
Enfant, tu t’habillais déjà comme un adulte, souffle-t-elle. Comme si tu avais toujours su que tu n’aurais qu’un quart de siècle pour éprouver tous les âges.
Ce sont les années 90 ; les rencontres homosexuelles se font par Minitel et voilà l’ami contaminé. Le sida est une effroyable montée des eaux et emporte tout, même l’amour de ceux qui le font. Barbara chante l’horreur de mourir par là où l’on aime et les larmes roulent. Les deux amis ont à peine vingt-cinq ans. Une éternité quand on a juste vingt-cinq ans. Une seconde quand ces vingt-cinq ans ne durent pas. Mille façons d’aimer est le chagrin du temps perdu — que seuls les livres ont le don de rattraper.
*Mille façons d’aimer de Anne Goscinny, publié par les éditions Grasset. En librairie le 9 octobre 2024.
(PS. Si la page de garde du manuscrit porte le titre Raphaël, c’est parce que c’est sous ce titre-là que je l’ai lu).