Rentrée littéraire 2017. C’était Emmanuel Carrère, je crois, dans son film Retour à Kotelnitch qui, assez bourré à la vodka, jetait les cendres de ses cigarettes dans le bol qui contenait les cendres d’une jeune fille dont il interviewait la mère. Mais comme il n’était pas le seul dans cet état, il fallut un peu de temps à la mère en question pour se rendre compte de la barjerie de la situation – je me souviens avoir alors pleuré de rire.
Tout ça pour dire que la vodka est assez piégeuse.
Eh bien, Trois verres de vodka*, le nouveau récit/fiction de Dominique Schneidre est tout aussi piégeux. On croit avoir affaire à un livre sur la Pologne et le Paris (des polonais) des années 70 et on découvre la passionnante histoire d’un coucou (vous savez, ces oiseaux qui s’installent dans le nid des autres) en la personne du cinéaste Andrzej Zulawski. Venu passer quelques semaines à Paris chez Cécile/Dominique, le temps du tournage de L’important c’est d’aimer, il y restera des années.
D’une plume alerte, joyeuse, tourbillonnante, Dominique Schneidre nous raconte, l’odyssée de ce cinéaste pas tout à fait comme les autres, ses obsessions, son infinie violence (les souvenirs du tournage de Possession avec Adjani valent leur pesant de gnôle), nous rappelle l’exil de Polanski, le miracle Karol Wojtyla, la ferveur Solidarność, ces petites choses qui finalement changèrent le monde.
Le temps est assassin et c’est Zulawski qu’il a assassiné.
Page 310, la phrase est terrible, un tocsin : « Je cherchai en vain l’auteur de L’important c’est d’aimer, ce titre qu’il n’aimait pas et qui lui allait si mal. »
Quel livre ! La Rentrée commence bien. Zdrowie !
*Trois verres de vodka, de Dominique Schneidre. Éditions Lattès. En librairie le 23 août 2017.