Il y a neuf ans déjà, paraissait ce texte* de Mohammed Aïssaoui, son deuxième livre après Le Goût d’Alger, en 2006, une anthologie amoureuse de cette ville surnommée El Bahja – La joyeuse.
L’affaire de l’esclave Furcy est un livre indispensable en ces temps d’individualisme qui virent à l’égoïsme tragique. Mohammed Aissaoui y raconte l’étonnante histoire d’un esclave de 31 ans qui, en 1817 dans l’île de la Réunion, s’en décide d’aller au tribunal pour exiger sa liberté. Outre la tension historique du texte, la fracture du monde déjà, les vingt-six ans de procès, c’est la rencontre à 193 ans d’écart entre deux hommes, l’un libre l’autre pas, l’auteur et l’esclave, qui est absolument bouleversante. Mohammed suit les traces de Furcy et nous, nous suivons celles de Mohammed et il y a quelque chose de vertigineux dans ce pas de quatre, une danse de l’intime humain dans le tumulte bruyant d’un monde qui alors change pour toujours. Du grand art.
*L’affaire de l’esclave Furcy, de Mohammed Aïssaoui. Éditions Gallimard (2010) puis Folio (2011). Prix Renaudot Essai 2010. Prix R.F.O du livre 2010.