De retour en France après sept semaines en Amérique. La densité d’un livre, enfin. Ce moment particulier où son poids bascule d’une main à l’autre parce qu’on vient de passer la moitié. Une histoire tellement française soudain.
Pauline a onze ans quand elle a ses règles. Treize lorsqu’elle découvre les plaisirs du corps, la gourmandise des hommes, la prétention des imbéciles, les râles sincères et les cris truqués. Elle en a seize lorsqu’elle réussit le bac, veut devenir médecin. Mais c’est la guerre. Son père la confie au docteur Domnick, un Boche qui sauve aussi des français. Elle devient infirmière. Elle découvre les corps déchiquetés, les plaies purulentes, les douleurs sans nom – plus tard, un Juge lui reprochera de ne pas s’évanouir devant un cadavre. Elle devient l’amante du médecin. Un an après, à la Libération, elle est tondue, rasée, peinturlurée, violée, dépossédée ; son corps devient une page de colère, une feuille de souffrances. Plus tard, Pauline rencontre Félix. Un puceau tendre. Elle l’aime et elle lui apprend l’amour. Elle lui apprend sa tonte. Son déshonneur. Alors Félix se sauve. Il se fiance à une bonne catholique. Pauline a vingt-et-un ans. Elle l’aime toujours plus que tout. Plus que la vie sans lui. Ce jour-là, elle va voir Félix dans sa chambre, rue de la Croix-Nivert. Mais les mots du fiancé sont cruels, blessants, ils vrillent le cœur, tisonnent l’esprit. C’est soudain eux qu’elle veut tuer. Ces mots-là. Alors elle tire. Et Félix s’effondre.
Après le bouleversant En vieillissant les hommes pleurent*, Jean-Luc Seigle fait toute sa lumière sur Pauline Dubuisson**, (Brigitte Bardot à l’écran, dans La Vérité de Clouzot), trois fois condamnée à mort, avec une passion, une violence, et curieusement une tendresse incroyables. Le tout avec une plume comme un scalpel qui dessinerait une peine magnifique.
*Editions Flammarion, 2012. Grand Prix RTL/Lire.
** Je vous écris dans le noir, Jean-Luc Seigle, éditions Flammarion. En librairie.