Avec La dernière photo* (comme il y avait La dernière séance) et comme dans Sur une majeure partie de la France**, son précédent livre, Franck Courtès nous emmène de nouveau au lieu d’avant. À sa vie d’avant. Car avant d’être un jeune écrivain, Franck était un vieux photographe. Il remonte le fil du temps de cette vie d’avant qui était mieux, où l’on prenait le temps justement, de humer la campagne avant d’en faire une image, le temps de connaître un homme avant de le portraiturer, le temps de prendre la pose, d’aimer ce que l’on faisait, le temps d’attendre que le bac à révélateur ait la dernière image – comme on a le dernier mot.
Franck écrit au passé simple ce passé perdu, avec, comme encre, cette mélancolie qui affleure, intarissable et grave. Les temps ont changé, le numérique est arrivé et avec lui la facilité, la vulgarité et la vitesse, et les hommes ont changé aussi : l’agent de Tom Hanks n’accorde qu’une minute pour faire un portrait de la star et la méchanceté de Joey Starr écœure ; il n’en fallut pas plus au photographe pour jeter ses instruments aux orties, tourner le dos à ce monde qui l’avait enrichi (dans toutes les acceptions) et surtout, avait rendu sa mère fière de lui. Le voici, à la fin du livre mais au début de sa nouvelle vie, dans une maison de campagne, près d’un poêle rougeoyant où il se lève à sept heures pour écrire des images avec des mots cette fois. Des lettres sombres sur du papier clair.
Du noir et blanc en somme, comme au bon vieux temps.
*La dernière photo, de Franck Courtès. Éditions Lattès. En librairie depuis le 11 avril 2018.
** Ed. Lattès, 2016.