Après 40 livres, Patrick Grainville, 74 ans, d’une vigueur littéraire toute viagranienne nous en offre une dizaine de plus avec ces Yeux de Milos*, un roman écrit à la sève d’un adolescent priapique et au sang épais d’un septuagénaire malicieux. Ainsi, dans ce 41ème roman peut-on lire une nouvelle histoire de Picasso et de Staël par un Gombrich érudit, un essai de tentation zoophile autour d’une oryx du Kalahari, décrite avec les mêmes mots suaves et humides que ceux que Grainville utilise parfois pour dépeindre les femmes, un guide touristique d’Antibes et de ses hauts-lieux fréquentés par les deux peintres suscités, une thèse sur le désir de Picasso pour les jeunes filles, les partouzes, une histoire de l’Espagne, un cours d’anatomie minotaurienne où les attributs couillus de la bête se confondent avec un vocabulaire légumier, un opuscule qu’aurait pu signer l’abbé Breuil, un traité d’archéologie, du crâne de l’Homme de Tautavel, du pithécanthrope du Roussillon et surtout, surtout, car l’heure tourne, quelques harlequinades bien troussées que je ne peux résister à porter à vos yeux d’autant qu’elles ont l’imprimatur d’un Immortel : « Elle dévora les lèvres de son ami en le regardant de façon éperdue » (page14), « Il désirait son petit bout bachique, fendu sur le fruit » (page 50), « Il sentait la ruade de ses jolies fesses. Il l’embrassait, elle se retournait, le caressait, le branlait un peu » (page 51), « Oh, viens Milos (…) Moi, je suis le corps de la liane le long de laquelle glisse le beau serpent du péché » (page 122). Avouez que dix livres d’un académicien pour le prix d’un, ça vaut le coup d’œil.
*Les yeux de Milos, de Partick Grainville de l’Académie française. Édition du Seuil. En librairie depuis le 7 janvier 2021.