Je suis assez Chalandon groupie – c’est dire si j’attendais son nouveau texte avec une joie impatiente. On savait qu’il allait y parler du cancer – géranium, dans le livre –, une férocité qui s’est approchée bien près de sa vraie vie, on ne savait pas qu’il allait en fait un roman qui appartiendrait à cette grande famille de livres qui « font du bien ». Les feel good.
Jeanne a un cancer du sein. Son mari Matt la quitte parce qu’il ne supporte pas. En chimio, elle rencontre Brigitte, cancer du vagin, cœur sur la main, mots doux au bord des lèvres. La seconde recueille la première, comme on cueille un chiot mouillé. Apeuré. L’installe chez elle où vivent Assia, son amoureuse, et Mélody, cancer aussi. Le recueillement renforce. Comme chez Barbara Constantine, la solidarité joue à fond entre les quatre femmes. Leurs points communs (cancers, problèmes de mecs et d’enfants) les étayent. On fume des pétards. On picole. On rit et on pleure. Et voilà que pour aider l’une d’entre elles, elles décident d’un braquage. Un braquage charmant comme l’était celui de Lelouch dans le merveilleux La Bonne année. Des faux pistolets, des perruques et des bons sentiments. C’est joyeux. Habile. Malin, même. Avec chute lacrymale. Anatidé qui glisse vers son destin. Le tout porté par l’écriture extraordinaire de Sorj. Ses formules capables, dans le même petit paragraphe, de nous faire rire et de nous arracher une perle d’eau. Une joie féroce est un livre de tristesse et de bonne humeur. Quelque chose de confortable entre Sweet November et Et puis Paulette. Un vrai plaisir dans cette rentrée littéraire qui s’annonce bien sombre.
*Une joie féroce, de Sorj Chalandon. Éditions Grasset. En librairie depuis le 14 août 2019.