Voici un premier roman* courageux. Il parle du deuil, « des peines dont ne peut faire aucune œuvre, dont rien ne pourra jamais vous délivrer. On ne peut pas faire de littérature avec ce genre de deuils » (page 174). Une mère qui a perdu son fils s’installe dans l’hiver avec sa fille qui elle aussi a perdu son fils. Le cœur glacé, les corps froids survivent dans une cabane perdue dans une forêt où passent des biches et des brigands. Elles attendent. Ce livre est une attente. Ce texte est une neige tombée sur une glace. On attend avec ces deux femmes. On attend le dégel. Préférer l’hiver est un livre curieux. Agaçant et poétique. Il possède la lenteur d’un interminable dégel justement, et parfois des fulgurances de printemps. Il appartient à ces livres dont la narratrice dit, page 41 : « Je ne cherche pas à ce que l’on me raconte une histoire. Je veux que cela soit divinement écrit ». Je ne sais pas si Aurélie Jeannin touche au divin mais ses envols parfois sont bouleversants. Des lumignons qui réchauffent le désert blanc de ces deux vies irrémédiablement abandonnées à la glace brûlante du deuil.
*Préférer l’hiver, de Aurélie Jeannin. D’abord publié sur Internet où il a obtenu le Prix des étoiles Librinova en février 2019. Puis édité chez HarperCollins, dans la nouvelle collection « Traversée ». En librairie le 8 janvier 2020.