Rentrée littéraire 2015. Sacré Sorj. Voilà plusieurs livres qu’il nous emmène avec lui dans la noirceur des âmes, la traîtrise des frères, la lâcheté des hommes, la douleur de Bobby Sands, la tragédie d’Antigone ; le voici qui nous ouvre les portes d’un immense petit drame familial*. Un trois pièce de province. Années 60. À l’intérieur, un couple, et leur fils Émile. Le papa est parano. Mytho. Border line. Donc sans profession. Et ça tombe bien parce qu’il n’y aurait pas assez de place sur les fiches scolaires pour répondre à la terrible question sans point d’interrogation : Profession du père.
Le fils : Émile, six, puis huit, puis onze, treize ans, est fasciné par son père. Il lui obéit au doigt, à l’œil, aux coups de ceinture, de poings et de pieds. Il devient son agent secret. OAS. CIA. Il devient sa marionnette. Son conneau. Il devient un tueur possible. La cible : de Gaulle. L’arme : un Mauser HSc.
Au fil des courts chapitres, au cours de l’écriture sobrissime de Sorj, Émile devient un authentique résistant, résistant au mal qui ronge son père et fait taire sa mère. Jusqu’au jour où l’arme familiale (le fameux Mauser HSc) est pointée contre le père. Profession du fils : tueur de père.
Pour la première fois, le père prend peur, et le livre magnifique commence. Qui nous emportera jusqu’à la fin, la folie triste, la mort, la petite crémation ; jusqu’aux premières larmes de Sorj, pardon, d’Émile.
*Profession du père, Sorj Chalendon. Éditons Grasset. En librairie.
PS. Une note de 5 (c’est à la mode) au directeur artistique qui a osé les magnifiques jaquettes de la rentrée Grasset.