Dans La vie est un roman*, comme déjà dans La Fille de papier, le héros est écrivain** et rencontre ses personnages. Autour de cette improbabilité se crée une tension (ici une disparition d’enfant), prétexte à rebondissements, surprises, tours de passe-passe, bref, cette Musso touch que résume très bien l’un de ses fans : « À chaque fois je crois deviner et ce n’est jamais le cas ».
Ce qui m’a, moi, tout à fait interpellé dans ce millésime 2020, comme dans le précédent où était déjà (dé)mis en scène un écrivain, c’est la poursuite de Guillaume en lui même, à savoir sa plongée dans son travail. Ou plus exactement, sa réflexion sur sa position d’écrivain.
Romain Ozorski, son personnage, autant dire son « double », écrit : « Mes livres se vendaient (très) bien, certes, mais ils n’étaient plus lus qu’à travers une étiquette. Ils ne constituaient plus un événement, au mieux un rendez-vous annuel. J’étais fatigué d’entendre toujours les mêmes choses à mon sujet, de répondre aux mêmes questions dans les interviews, de me justifier d’avoir du succès, des lecteurs, de l’imagination ».
Au travers des nombreuses réflexions qui le font se questionner sur le succès et son sparadrap haddockien, il me semble que Guillaume s’interroge ici sur l’idée de s’éloigner de Musso pour se rapprocher d’une littérature qui serait plus personnelle, plus risquée et plus aventureuse.
En cela La vie est un roman pourrait signer une sorte d’au revoir à quelque chose de « fatiguant ». Le début d’un saut dans l’inconnu.
On a vu des artistes à succès remettre en question leur succès et en connaître un nouveau, plus puissant encore.
Coluche, avec Tchao pantin. Michel Blanc avec Monsieur Hire. Patrice Leconte avec Tandem. Daniel Auteuil avec Jean de Florette. Spielberg avec La liste de Schindler. Clint Eastwood en passant à la mise en scène. Dans la littérature, plus que cette « renaissance », c’est le dédoublement qui est préféré. Romain Gary/Emile Ajar. JK Rowlings/Robert Galbraith. Boris Vian/Vernon Sullivan. Claude Klotz/Patrick Cauvin. Jacques Laurent/Cecil Saint-Laurent. Etc.
La vie est un roman se situe pour moi sur cette crête inédite où un auteur est en train de choisir de quel côté il va tomber. Et cette hésitation, au-delà de la fabuleuse promesse qu’elle contient, est absolument bouleversante.
*La vie est un roman, de Guillaume Musso. Éditions Calamnn-Levy. En librairie depuis le 26 mai 2020.
**Tout comme dans Un appartement à Paris (2017, XO Éditions), La jeune fille et la nuit (2018, Calmann-Levy) et La vie secrète des écrivains, (2019, Calmann-Levy).