Bien que certains critiques semblent s’étonner qu’il y ait un personnage d’écrivain dans La vie secrète des écrivains – il y en a même trois : Nathan Fawles, Raphaël Bataille et Guillaume Musso –, il faut rappeler que le personnage de l’écrivain occupe depuis longtemps une place importante dans les livres de Guillaume. Ainsi compte-t-on Tom Boyd, le héros de La Fille de Papier, Gaspard, l’auteur écorché d’Un appartement à Paris, Thomas, l’écrivain français à succès, résident à Manhattan de La jeune fille et la nuit et enfin les trois suscités de ce dernier roman. Au total, « l’écrivain » pèse pour 25% dans l’œuvre de Guillaume. Et c’est cette quête d’identité, encore une fois, que je trouve fascinante dans ce nouveau roman. J’ai en mémoire cette phrase de Michaux : J’écris pour me parcourir et j’ai la faiblesse de penser que, d’une façon ou d’une autre, elle concerne tous les écrivains, Guillaume y compris. Ainsi, au fil des pages de ses nombreux livres, comme les couches d’un oignon que l’on dépiaute, l’on s’approcherait toujours plus près de sa personne d’écrivain qui, même s’il la maintient à distance au moyen des fictions d’enquêtes, de passé qui ressurgit, de vengeances et autres rebondissement, finit par affleurer. Dans La vie secrète des écrivains (au-delà de l’intrigue toujours irréprochable) c’est sur son métier qu’il s’interroge, sur la pérennité du talent, sur l’inspiration, sur l’usure du temps qui gangrène certains désirs, sur le rôle de la critique, le poids du public, l’enfermement dans un genre, sur cette séparation à la mode de l’homme et de l’artiste, bref c’est sur son œuvre qu’il semble s’interroger, jusqu’à se réinventer en personnage de fiction qui porte son propre nom, signant, page 321, une apostille à son propre roman. Je crois, et cela n’engage que moi, que, livre après livre, Guillaume lève prudemment un voile sur ses douleurs, et pour qui sait les relier depuis ses premiers textes, fait apparaître un homme profondément humain, en proie à l’inquiétude et à la joie. C’est le beau secret de ce livre.
*La vie secrète des écrivains, de Guillaume Musso. Éditions Calmann-Levy. En librairie depuis le 2 avril 2019. (Et comme promis, Guillaume, lu à New York !).