J’adore le titre, Lettre au père*. Pas à mon père, pas aux pères, juste au père, sans majuscule à P, sans rien qu’un substantif ordinaire, un père pas nommé, peut-être même pas le sien, et dans ce choix il y a déjà tout le contenu qui suit, tout ce qui sépare, divise même. Lettre au père de Kafka est un texte formidable (entièrement au passé simple, quel bonheur) qui trace implacablement les fissures lentes entre un fils (refoulé) et son père (pervers narcissique avant l’heure). Un tracé si puissant qu’il n’a besoin ni de colère ni de haine. Outre l’enfance bousculée dans ses petits riens, on assiste à la naissance d’un écrivain — mon activité littéraire, écrira-t-il, et il y a dans le mot même d’activité quelque chose qui sonne comme un aveu. Magnifique et bouleversant.
*Lettre au père, de Franz Kafka (1919). Merci aux éditions Ebooks libres et gratuits grâce auxquelles je suis tombé par hasard sur cette pépite. La voici en intégralité: Lettre au père.