J’ai, comme beaucoup d’entre vous j’espère, la joie de suivre Nicolas Delesalle depuis son premier roman, en 2015, Un parfum d’herbe coupée, un inoubliable parfum d’enfance, et j’avais alors pressenti que le gaillard aimait les mots. Comme un dingue. Et voici que dans son quatrième roman, N’habite plus à l’adresse indiquée, sous prétexte d’une histoire de factrice qui reçoit des lettres d’amour anonymes, il écrit non pas l’écrit mais la parole. Il écrit le fleuve de mots dans la bouche du narrateur – facteur lui-même, donc passeur de mots et de lettres. Et va jusqu’à créer un personnage bouleversant, Martin, qui se trompe de mots parce que le chagrin vous met parfois la tête à l’envers – exemple, page 80 : « Il disait souvent à sa femme qu’elle était apologique, quand elle ne comprenait pas ses explications ». C’est le premier des livres que je lis qui a autant de mots. Le narrateur-facteur donc, avec plus de mots qu’il n’en faut, mais dieu qu’ils sont beaux quand ils claquent, et chantent, et dansent comme à chaque page, raconte à une femme dans un bistrot, l’histoire de Sissi la factrice, des lettres anonymes qu’elle reçoit, de l’enquête de ses amis pour démasquer le corbeau, façon Club des 5 il est vrai, mais la nostalgie d’une certaine enfance n’est jamais loin chez Nicolas, et nous réserve, après ce tourbillon de mots, cette cascade jubilatoire, une chute inoubliable d’émotion, d’inattendu et d’intelligence. Quand un auteur grandit autant de livre en livre, il n’y a pas de raison qu’il ne parvienne un jour à décrocher une étoile.
*N’habite plus à l’adresse indiquée, de Nicolas Delesalle. Éditions Préludes. En librairie depuis le 2 octobre 2019. Tous les romans de Nicolas sont publiés chez Préludes. Puis au Livre de Poche.