Thierry des Ouches est photographe. Un excellent photographe d’ailleurs, dont j’ai, au siècle dernier, eu le plaisir de suivre les travaux publicitaires, notamment une sublime campagne (dans Libération) pour les adieux au monde de la bonne vieille 4 L.
Comme quelques prestigieux confères, Doisneau, ou Depardon, Thierry a l’art de capter l’esprit même de cette France d’entre deux. Celle-là même qui révèle son Histoire, sa nostalgie, sa part d’enfance, son immuabilité. Alors, quand il écrit son troisième roman, (parce qu’il a aussi découvert que parfois les mots photographient mieux qu’une image ou, en tout cas, saisissent ce qu’un objectif ne peut capter), Le Fonctionnaire amoureux, on ne peut que regretter la disparition de Serrault et Tchernia. Serrault aurait été magnifique dans le rôle de Charlie, contrôleur à la SNCF, sur la ligne Langres/Colombey-les-Deux-Églises, marié à Charlène, et qui tombe amoureux de la belle Juliette. Et Tchernia, qui aurait été impérial en réalisateur de cette comédie d’entre deux – entre jubilation et amertume, entre petitesse et immensité. Thierry des Ouches est délicieusement amoral dans cette fable où plus nos rêves sont grands plus ils nous broient et où la beauté cache souvent quelques redoutables poisons.
Et c’est là la réussite du livre. De faire un Tchernia qui finit en Chabrol. Toujours avec Serrault dans le rôle principal.
*Le Fonctionnaire amoureux, de Thierry des Ouches. Éditions Daphnis et Chloé. En librairie depuis mai 2016.