Son nom me disait quelque chose. Je l’avais vu quelque part. Et plutôt cent fois qu’une. Et ça m’est revenu d’un coup. Ce nom signait les épatants éditoriaux de Marie Claire Maison, à l’époque où il était si élégant. Ses mots étaient alors chauds comme des intérieurs douillets, vifs comme des pièces modernes, tendres comme des cuisines. On s’y sentait bien, dans ses mots.
Et c’est ce qui arrive à nouveau aujourd’hui avec Le fil de Yo*. Un livre bourré de tendresse comme une armoire remplies de draps de coton, de serviettes éponges. Un roman, comme une maison de famille, pleine de fous aimables, de poètes dépressifs, de suicidés en sursis, de gueules cassés, de cœurs broyés, de fusions qui n’ont pas pris, de mots qui ne s’envolent plus, et de vieux légumes d’antan qu’on n’apprécie plus parce qu’on ne les connaît plus. Comme les gens, d’ailleurs. Un lieu où l’on entend (entre autres) cette terrible question qui témoigne de tout l’amour de Caroline Tiné pour ses personnages :
– Savez-vous ce que l’on ressent lorsqu’on mène une vie totalement inaperçue ?
Ce livre est le lieu de ces vies-là.
Celles qui déplacent à peine une feuille à leur passage.
Et Yo en est le fil qui les relie. Qui les retient. Crée les attaches. Le fil qu’elle jette aux autres, comme une bouée, qui la sauvera elle-même. Et c’est là l’une des très belles idées du roman : en sauvant les autres, on se sauve soi.
* Le fil de Yo, Caroline Tiné, éditions JC Lattès. En librairie depuis février.
Caroline a écrit deux autres romans, parus il y a vingt-cinq et vingt-deux ans, ce qui en fait une sorte de revenante : L’immeuble (Prix du Premier Roman) et Le Roman de Balthazar (Prix du Lion’s Club International), tous deux chez Albin Michel. Prions qu’elle ne nous fasse pas attendre autant pour le prochain