Sarah Barukh, que je ne connais pas, a eu la gentillesse de m’adresser son premier roman il y a quelques mois et je viens de le lire (dans un train). Je ne cache pas l’appréhension que j’avais eu à l’idée de lire le x millième livre sur une petite fille juive pendant la Seconde Guerre mondiale – pathos, culpabilité, devoir de mémoire et tout le toutim. Eh bien, pas du tout. Elle voulait juste marcher tout droit* est la formidable et follement romanesque histoire d’Alice, six ans au cœur de la guerre, neuf ans au sortir de celle-ci, lorsqu’elle rencontre enfin sa maman, revenue d’on ne sait où, épuisée, amaigrie, un drôle de tatouage sur l’avant-bras. C’est l’histoire d’une petite fille jetée, comme on jette un enfant dans une piscine en croyant qu’il va se mettre à nager, dans la violence du monde des adultes, leurs gesticulations, dans leurs corps, leurs âmes dévastées par le fracas et l’immonde. L’histoire d’une petite fille qui doit grandir vite pour survivre dans ce curieux après-guerre ; faire rapidement l’apprentissage de ces émotions qui peuvent embellir le monde, malgré tout : la perte, les retrouvailles, les espérances. Sarah Barukh a écrit avec virtuosité une vie en accéléré, comme ces petits films étonnants où l’on voit une fleur pousser, éclore et s’allumer ; un livre touchant sur nos enfances qui s’éloignent si vite mais sans jamais nous laisser démunis si on apprend à les écouter et à les aimer. C’est là toute la réussite de ce livre épatant que je vous conseille ; oui, oui, comme lecture d’été, parce que plein de rebondissements, de tendresse et, in fine, de joie.
Et la joie, en plus du sable et du ciel bleu, il n’y a rien de mieux.
*Elle voulait juste marcher tout droit, de Sarah Barukh. Éditions Albin Michel. En librairie depuis le 1 février 2017. Et un très joli entretien avec Sarah, ici.